Oran
Poème de Paul Bellat, à la gloire de sa Ville.

 

Oui, je la chanterai, la ville méprisée
Si noble en son jupon troué de gitana,
Avec ses yeux meurtris, avec sa peau bronzée
Et ce pic où jadis l’Espagne culmina !

Je dirai les reflets changeants de ta falaise
Les aurores de nacre et les midis dorés
Et les couchants qui la couvrent de rouge braise.
Et l’encens qu’à ses pieds versent les flots moirés.

Je dirai la Calère et le coin d’Italie
Où l’on entend les soir des airs Napolitains,
Où les couples unis sous la lune pâlie
Mêlent à leurs baisers des rires argentins.

Je dirai la splendeur du beau golfe où se mirent
Les sévères donjons du vieux Rosalcazar,
Les jardins de Létang où la brise soupire
Etalés au soleil comme un frileux lézard.

Et tous ces murs puissants dont te dota l’Espagne
Blasonnés de gueules au lion passant d’or,
Et les noirs souterrains rampant sous la campagne
Et le haut Mudjardjo, sublime mirador.

Et tes grands boulevards déferlant vers la plaine
En cercles élargis, submergeant les faubourgs,
Tes casernes qui sont de héros toujours pleines,
Où des échos lointains répondent aux tambours.

Que d’autres fassent fi de ton Hôtel de Ville :
Il atteste la France avec sérénité,
Deux lions orgueilleux de sa gloire civile
Proclament sa présence et sa pérennité ;

Et les lions de bronze et les blondes Victoires
D’un obélisque fait du granit le plus dur,
Célèbrent à jamais, France, ta double gloire :
Guerrière du passé, prêtresse de l’azur …

Et partout même au pied de tes sombres bastilles
Dans tes jardins, à l’heure où finit le travail
Qui donc n’a remarqué la beauté de tes filles.
Leurs yeux de flamme et leurs lèvres de corail ?

Qui n’admira sur tes grands stades et tes pistes
La force de tes fils et leur ardeur au jeu,
Hélas ! et qui n’a lu dans le marbre les listes
Tragiques de tous ceux qui sont tombés au feu.

Des noirs combats, durant les affreuses années !
Oui, combien sont tombés, combien tombent encor
Sur tous les coins du globe où l’alerte est donnée,
Chaque fois qu’on entend Roland sonner du cor ?

Oran, que l’Aïdour coiffe d’un diadème,
Oran, reine des cœurs humbles et dévoués,
Ta beauté, ta bonté, ta douceur, je les aime.
Et ton accueil et tes beaux rires enjoués ;

J’aime tes habitants, tes fécondes familles.
Cet accent spécial que l’on raille en Alger,
Tant d’amour frémissant sous tes brunes charmilles,
Tant de poètes nés parmi tes orangers ;

Et les essaims d’enfants joyeux que tes écoles
Lâchent deux fois par jour sur les trottoirs étroits…
Classes où l’on attend que les heures s’envolent…
Gais retours au bercail quand le soleil décroît.

Grandis pour accomplir ta haute destinée,
Rivale de Marseille et de Naples , grandis !
Ta gloire éblouira la Méditerranée
Elle a déjà franchi les déserts interdits …

Quand seront jugulés les appétits voraces
Des oppresseurs dans une ère de Liberté,
Tu seras le lien des peuples et des races,
Le merveilleux creuset d’une autre humanité !

 

Paul Bellat

 

les livres de notre ami Paul BELLAT :

Oran, Imprimerie Piazza, 1956, 150 pages. Roman.
Présentation par Benjamin Stora: Un roman paru en pleine guerre d'Algérie, et qui a pour cadre Sidi Bel Abbes. Dans sa préface, Max Marchand écrit : "L'idéal du légionnaire qui veut réaliser le don et l'oubli de soi dans la pratique des grandes vertus collectives et simples coïncide avec celui du religieux. Et, poussée à ce point, la vertu militaire devient une vertu d'obéissance religieuse".

Paris, La Nef de Paris, 1960, 128 pages. Récit.
Roman fermier dans l'Entre-Deux Guerres.

Alger, Chaix, 1949 , 230 pages.