Le Quartier Choupot ...
Le centre de la vie à Choupot, c’est l’avenue
Aristide Briand, elle commence sur l’avenue Albert 1er, juste pour
le premier arrêt du trolley N°6 ou le 16. Il faut se rappeler que devant chaque
arrêt de trolley il y avait des bancs, des bancs avec une ossature métallique
et une assise en bois et le tout peint en vert. Pourquoi le vert ?
Etions-nous déjà des écologistes ? Je pense plutôt que c’était la couleur
qui se rapprochait le plus des ficus qui bordaient l’avenue.
Donc en remontant cette avenue sur la droite, le
Météore, de M. GAUTHIER , avec le bar en entrant et en façade et sur le
côté le dancing que tous les Oranais sont venus danser ou essayer de frotter
les SINBERGUENSSAS de filles qui venaient là sans le chaperonnage d’une copine
ou d’un frère. Juste en Face le magasin de musique de Maurice AMSELLEM. Dans ce
magasin, on pouvait trouver les vinils en 33 et 45 tours, avec MARINO MARINI,
RAY CONNYF et CLAUDE LUTHER, les partitions de musique sur deux feuilles format
A3, imprimées souvent en bleu ou en vert un peu pâle. Je me rappelle que le
format était un peu plus grand que mon grand livre d’études classique de
saxophone et je devais les recouper pour les glisser dans la couverture, car,
elles étaient interdites au conservatoire. J’ai taquiné « TEQUILLA »
« Le bateau de Tahiti » et évidemment « Petite Fleur ».
Ces partitions devaient coûter environ 45F de l’époque.
Juste au-dessus habitait une famille où il y avait
deux filles, dont une, Geneviève, qué voypa que d’y penser encore....
Plus loin une première boulangerie et en face un
petit immeuble où habitait mon copain PAREILLEUX, qui doit être à Lyon
maintenant, juste après un magasin de meuble dont la façade était peinte en
vert sur les soubassements et les colonnes en jaune, a cada ouno sou gusto, la
villa de fonction d’un officier de la légion, avec ses quatre filles dont les
prénoms commençaient tous par M et nous arrivons au cœur de l’avenue. La
boulangerie VALLS, un valencien réfugié espagnol, cette boutique faisait coin
avec la rue du PRESIDENT FALLIERE, et là le bar chez SOTTO avec son comptoir
immense et toutes ces petites assiettes de Kémia con fava calientés, les
anchois, les olives Sévillanas, les tranches de tomates, etc Un des fils PARDO qui fait les brochettes ,
les merguez et la merssa toute l’année dans un nuage de fumée quand il mouille
un peu le feu. Le petit buraliste d’à coté, LE PETIT PINGOUIN, ne laisse pas
souvent sa porte ouverte con el humo ; car le povre avec l’odeur du pain
de chez VALLS et les produits de PARDO il devait grossir sans manger.
En face de chez VALLS, un autre des bars qui réglait
la vie du quartier, chez MIRAILLES , et là il était possible de mesurer la
rivalité, en comptant les petites assiettes de KEMIA sur le comptoir, sans
parler, les premiers JUKES BOXES à fond le volume, après c’était les mêmes mais
avec la vidéo ; voilà comment attirer les clients.
De l’autre coté en face de chez SOTTO, la droguerie
JOYET, là on trouvait de tout y compris des jouets et les fameuses pierres à
feu, les toupie à qui il fallait couper la tête et changer le clou d’origine,
les lacets en plastiques pour faire les scoubidous, mais aussi les boutons en
nacre et les boucles de ceintures. A coté, après le couloir, la boucherie de
MILOUD (qui sera par la suite un responsable FLN, tué devant chez lui à
MARAVAL) il avait été un des premier a avoir des grands frigidaires, mais la
viande était toujours exposée sur la devanture sans grande précaution, et ma
foi, nous n’en sommes pas morts. Le soir, juste à coté, la baraque de tir et le
manège de chez Monsieur et Madame LEON qui faisaient des TALLOS y dallé le sucre en poudre les dimanches
matin et les jours de fêtes
Le voisin d’en face, Marcel SEMPERE, (ou le Mango,
car il avait eu un avant-bras coupé)avec son garage avec un étage, et oui là
aussi nous étions en avance sur ce qui sera la solution de parking bien des
années plus tard. Il y avait un box de lavage des voitures avec plusieurs jets
fixés au mur, qui a dit que nous n’avions pas d’imagination ? Il ne me
faut pas oublier l’ancien commissariat de police, où les policiers passaient
pas mal de temps assis à califourchon sur une chaise, à regarder les gens qui
faisaient l’avenue, sans être médisant je crois qu’il leur arrivait d’aller
faire « une petite patrouille »
dans les bars du coin, des fois que……. Et au passage une petite blanche
et trois olives.
Après c’est un marchand de légumes qui était
installé dans une baraque, et le jeu des gosses, était de retirer les cales de
la montagne de pastèques, et roule les melons au milieu de l’avenue, juste
quand le trolley arrivait. Ce genre de jeu, nous ne pouvions plus le faire
quand les poissonniers JEANNOT et MICHEL se sont installé au coin de la rue
JEAN AZEMAR, car ces deux là étaient des costauds de la GALERA et en plus ils
courraient vite et les boffétas, elles, elles faisaient mal.
Plus tranquille, le pharmacien BENAIIM, avec sa bascule pèse personne avec
son gros cadran que bonjour la discrétion pour les gordos y las gordas que tout
le monde y pouvait voir le poids depuis l’autre coté de l’avenue surtout au
moment où les autres faisaient l’AVENUE.
En face du poissonnier à coté du pharmacien, et en
angle avec la rue Jean AZEMAR, l’épicerie PAIN ; la plus achalandée
surtout en fromage, le lait que nous allions chercher avec les petits bidons en
fer blanc, le lait encore chaud, car il venait de chez LOPEZ en haut de la rue,
la crème était bien épaisse, et ma mère me la mélangeait avec de la cannelle
pour le goûter. En continuant sur l’avenue, le marchand de chaussures
BENCHITRIT, cette maison est devenue une mosquée maintenant et ce au grand dam
des habitants qui ont du mal à s’habituer aux appels de la prière. Un vieux que
j’ai retrouvé en 1983, appelle la mosquée « la maison SONY » à cause
des gigantesques haut parleurs Sony qui surplombent le minaret, et avec le rite
des prières no té digo el follon.
Pour les odeurs, nous arrivons chez TABARCA et
GINER, spécialiste de la morue séchée, que tout le quartier pouvait savoir
quand il y avait eu un arrivage et ce, sans le voir. Les voisins, la famille
ALCARAZ qui faisait en dehors de son travail, le magicien dans les fêtes,
devait en avoir plein le nez, car de l’autre coté, le père BENCHITRIT, était
cordonnier et l’odeur des cuirs, agréables, mais mélangées avec la
morue........
Heureusement, un autre bar et en face encore un
autre, une étude de sociologie laisserait entendre que nous vivions tous au
bar, car l’avenue en comportait au moins 8 ou 9.
Mais il avait d’autres commerces heureusement, comme
la boucherie TEBAR, la boulangerie MARTINEZ , anciennement CARRERES ,
c’est dans le four de cette boulangerie que les meilleurs MONAS de ma mère ont
cuit au feu de bois. Il ne faut pas oublier la charcuterie JOYET le
champion des MORCILLAS, BLANQUICOS et toute la BOUTIFFARRA que le fait de passer
devant , on entrait pour en acheter un peu.
Pour finir l’avenue ARISTIDE BRIAND juste avant
l’avenue du FOYER ORANAIS, la mercerie de Mme JOYET. Ces personnes sont parties
en novembre 1961, et ma mère avait pris en gérance cette mercerie, là j’ai
commencé à gagner quelques francs, il faut se souvenir qu’il y avait beaucoup
de couturières maison, et que pour les tailleurs ou les manteaux, la mode était
d’avoir les boutons et les boucles assorties au tissu du vêtement.
Dans la soupente nous avion installé, une petite
presse et tout un assortiment de coquille de boutons et de boucles de ceinture,
et là je travaillais à la commande en revêtant les coquilles avec les
échantillons de tissus. Les prix étaient de 25 centimes les boutons jusqu'à la
taille 4, et ensuite de 40 centimes les plus gros ; les boucles de 45 à 75
centimes, commandés le matin, livrés l’après midi. Il y avait aussi la pose des
rivets sur les ceintures à 15 centimes l’oeillet
CHOUPOT, ce n’était pas que l’avenue, il ne faut pas
oublier le cinéma MONDIAL rue du PRESIDENT FALLIERE, établissement qui
appartenait à M. GAUTIER le même que pour le METEORE ; petit cinéma de
quartier, mais qui ne restait pas en reste avec les grands du centre ville. Qui
n’a pas voulu voir JOSSELITO PAN Y VINO, TARZAN, LAUREL et HARDY, LES DIX
COMMANDEMENTS,...... Pour accéder à la cabine de projection, il y avait un
petit escalier à coté de la caisse, et dans cet escalier une fenêtre qui
donnait sur la cour de l’école privée LA FONTAINE, ( la directrice était Mme AMOROS)
et les gosses en escaladant le mur de l’école, et si la fenêtre n’était pas
fermée, nous pouvions entrer sans payer mais surtout en silence, sinon adios el
cinéma y la patta al coulo.
La rue Jean AZEMAR, et oui c’était MA RUE, tout en
haut un champ ou aboutissait le CAMINICO DE L’AGUA qui était le passage des conduite d’eau depuis
SANANES. Chemin un peu mystérieux et discret, car il passait derrière toutes
les maisons et immeubles. En redescendant la rue, les vins LAFFARGUE qui ont
tenté en 1962 de faire aussi de la limonade et curieusement j’ai retrouvé ce
goût de caramel dans une boisson d’AUBAGNE, le QUEBEC ; il y a t’il un
lien ? (si quelqu’un le sait
.....)
Un autre marchand de légumes, LE CERCLE VERT, c’est
là que ma mère m’a fait découvrir les endives et les pamplemousses, c’est le
premier légumier qui emballait ses produits dans des sacs en papier avec son
logo, les autres c’était le plus souvent dans un bon ECHO D’ORAN et basta.
Juste ne face de chez moi, une autre épicerie
alimentation, chez Mme DOLLS et sa ribambelle de chats ; là, c’était
surtout du vin et des salaisons que l’on trouvait comme les sardines salées
bien rangées dans les boites rondes en bois. L’épicerie, avant sa
transformation, avait deux grandes cuves de vin juste au-dessus du comptoir,
lieu de prédilection des chats.
Un couloir avec sa cour au fond et le petit mur qui
fallait sauter pour arriver dans l’autre rue, à coté le magasin de réparation
de vélo chez FERNANDEZ , les gosses, nous récupérions les vieux câbles de
frein pour en faire la corde de nos arcs. Une fois vendu par le départ de
FERNANDEZ, c’est devenu le PETIT RESTAURANT CHOUPOTOIS de la famille PEINICA
qui avait aussi la POSSADA ESPAGNOLA dans le quartier de la MARINE. Le
tonnelier jouxtait le restaurant, et là c’était une mine pour nous, l’osier des
cerclages des tonneaux pour les arcs, ensuite les têtes de rivets des cerclages
métalliques pour les STACKS, ce petit « marché » souvent contrarié
par le gardien marocain et dont l’insulte favorite était « MALA RASSA,
MALDITOS ».
Un peu plus bas et sur un coin de la place, la
grande quincaillerie des frères SOTTO, où on pouvait acheter des clous au poids
ce qui arrangeait bien un réfugié espagnol qui fabriquait des divans en
similicuir avec des rafales de semences cuivrées, les chutes de ce faux cuir
nous servaient pour le STACK ou bien pour se faire de poignées de force sur nos
avant-bras. Le potier JORBA avec sa grosse moto à side car,
« l’ usine » à pot de fleur, mais aussi des superbes céramiques dont
certaines ornent encore des monuments dans la ville ou sur le FORT DE SANTA
CRUZ, il avait l’ingéniosité de chauffer ses fours avec les PIGNOLS qu’il se
faisait livrer de l’usine DEA
d’ECKMUL. Des montagnes de
PIGNOLS, notre meilleur fournisseur de MADRE les plus gros PIGNOLS que l’on
pouvait trouver pour mettre dans les gouttières pour jouer..
Les femmes allaient chez le coiffeur DOMINGO, dont
la sœur avait une petite mercerie et c’est là que j’ai vu le premier aquarium
de ma vie ; en continuant à descendre la rue, le bain MAURE. Là, nous y
allions une ou deux fois par mois, cette ambiance de pénombre et d’humidité
chaude, couverte par les discussions des femmes avait un certain charme dans
une nonchalance très agréable, c’était presque une institution, car comme beaucoup
de maisons, pour ne pas dire la majorité, n’avaient pas de salle de bain, à
part la TINA au milieu de la cuisine et l’eau chauffée sur le gaz , ces BAINS
étaient bien un lieu de « décrassage » en profondeur.
Je ne pourrais parler de CHOUPOT, sans parler de la
REPLACETTE. Place publique carrée de 45 m de coté environ avec deux rangées de
FICUS, ses bancs pour prendre le frais, le centre qui nous servait de terrain
de jeu pour des parties sans fin de foot. La couronne entre les deux rangées
d’arbres était réservée pour le TOUR DE France avec les PLATICOS ou les patins
à roulettes ; le transformateur électrique de support pour le BOURRO
FLACO, mais aussi le toit pour échapper aux plus petits en grimpant dans les
arbres.
Les arbres c’était aussi notre domaine pour jouer à
TU L’AS, il fallait toucher l’autre sur l’arbre ou au mieux en sautant au sol,
les égratignures ne manquaient pas. Comment oublier la petite baraque de
bonbons du vieil espagnol, elle était « toujours » dans la
trajectoire des nos SHOOTS les plus appuyés, et évidemment tout tremblait
dedans et le petit vieux sortait avec sa canne pour nous maudire.
Autours de la place, il avait le temple protestant
avec son rideau métallique qui résonnait quand on frottait une barre de fer de
haut en bas, le scandale à l’heure de la SIESTA ; le coiffeur MARTIN qui
se faisait un plaisir de nous piquer les ballons qui passaient devant sa
vitrine.
Mais la REPLACETTE, c’était surtout le centre de la
fête du quartier ; elle était entièrement entourée d’une bâche de 2,5m de
haute et il y avait deux entrées, une estrade qui changeait de coté chaque
année pour satisfaire les voisins. Le Bal le samedi soir et le dimanche avec
comme animateur JEAN CLAUDE LOMBARD et des orchestres comme les JAVAYOLAS. Qui
se souvient de la CUMBACHERO, ou de « BUVEZ COCA COLA CELA VOUS
RAFRAICHIRA » PASOS DOBLE, EN EL MUNDO, LA CUCACHERA, LA RUMBA DE
BAYA , SALADE DE FRUIT ? Le clou c’était le radio crochet avec les
chanteurs amateurs qui se faisaient huer de « ACACHUFFA »
« CORRE QUA TOU MADRE » et dans de temps en temps une volée de
projectiles comme des tomates ou des écorces de pastèques ; la BERGOUENSSA
de la VIDA.
Cette fête durait trois semaines, avec ses baraques
de loteries, de tir, les attractions comme le MUR DE LA MORT, les spectacles du
GITANO BLANCO.
CHOUPOT , un quartier vivant, où les habitants
se connaissaient tous, gros inconvénients pour les gosses, car quand on faisait
une bêtise, tout le monde nous connaissait, et nos parents étaient informés
avant même, que l’on revienne à la maison, le téléphone ARABE fonctionnait
mieux que ne peut fonctionner INTERNET.
Voilà, j’ai voulu vous faire connaître mon quartier
qui n’était pas le centre ville, mais quelle vie superbe.
Didier BARCELONA