Monsieur
Charlez GOETZ (1906
- 1978) ...
par
Monsieur Gustave Guillemot
Il avait un magasin à côté de la station Béryl au A1 ... on y trouvait meubles et décorations ... Mais il avait aussi beaucoup d'autres talents ... voici son histoire ...
Charles Goetz naît à Paris le 16
juillet 1906 d'une famille de lointaine tradition d'artisans parisiens, mais
qui a gardé son ancrage en Brie, patrie de sa mère. grâce à une maison de
campagne a Montretout. près de Changis sur Marne. C'est là un atelier pour les
parents. mais aussi pour les deux fils Charles et Georges. Ce dernier devait
devenir professeur à l'École Nationale des Beaux Arts. Les deux jeunes artistes
s'essaient au paysage le long de la Marne. des champs et des bois. Leur maison
est à Paris. villa Saint Mandé où M. Goetz père a son atelier de dorure et de
restauration de bois anciens.
Charles y prend ses premières
leçons qui l'emmènent à l'École Boulle dont il sort diplômé, en même temps il
suit l'enseignement de la musique au Conservatoire National de Paris : il
reçoit le premier prix de piano.
Dès l'âge de quatorze ans il
donne des concerts : salle Érard. salle Chopin chez. Pleyel. Concerts de
musique de chambre avec Gilles Gravenne, Jeanne Lecuyer, jus-qu'à 24 ans. II
joue aux studios radiophoniques de la Tour Eiffel et rue François 1er. avec
notamment Louise Matha, la chanteuse Jeanne Lécuver. Il accompagne quelque
temps le chanteur André Rangé en récital.
Parallèlement il fréquente les
ateliers de Montparnasse (la grande Chaunuère), les cours du philosophe Alain
et parfait ses connaissances en littérature et en archéologie. Il pratique quotidiennement la
peinture à l'huile, le dessin, la gouache où il excelle, et expose au Salon
d'Automne dont il est médaillé.
En 1934, il quitte Paris pour Oran
dont est originaire Yvonne Brunie, fille d'un architecte, qu'il a épousée trois
ans plus tôt. Le jeune couple s'installe rue Lanjuinais, près des beaux
parents. Charles devient le décorateur salarié des « Magasins du Printemps » et
entre en contact avec une clientèle aisée. Oran est alors une ville prospère
grâce au commerce des vins.
A un noyau d'amateurs d'arts,
collectionneurs avertis, s'associent de nouveaux adeptes. Des architectes
auprès desquels il est introduit. des membres de professions libérales, corps
médical, commerçants, négociants en vins, constituent une clientèle potentielle
pour les artistes et Charles est là pour donner des conseils, toujours
désintéressés. Il en fait profiter ses amis dans une grande exposition dans «
les Magasins du Printemps », à la « Maison de l'Agriculture » à laquelle participent, outre les
peintres locaux, ses amis « briards » : André Hébuterne, André Planson, André
Marquet aussi qui séjournait alors en Algérie. Mobilisé en 1939 il doit
interrompre ses sorties. Pendant la triste période de 39 - 40 il est sollicité
pour l'illustration de divers ouvrages imprimés (l'imprimeur et éditeur L.
Fouque) : il exécute des bois gravés pour des oeuvres choisies de Ronsard,
divers poèmes, oeuvres de Martin.
La passion de l'Archéologie qu'il
entretient depuis sa jeunesse le reprend sur le sol africain. Il renoue avec la
préhistoire qui n'est plus tout à fait celle de la métropole. Ces escapades de
prospection et d'études lui donnent l'occasion de parcourir les campagnes
oranaises en compagnie de ses amis archéologues et parfois du Conservateur du
Musée d'Oran, le naturaliste et géologue François Domergue.
Il participe activement à la vie
archéologique et scientifique dans le cadre de la « Société de Géographie et
d'Archéologie d'Oran ». Il en est longtemps le secrétaire général puis le
Président jusqu'à l'indépendance de l'Algérie.
Il a publié , dans le Bulletin de
la Société d'Oran » et dans le Bulletin de la Société Préhistorique Française
», plusieurs articles sur ses recherches de préhistoire algérienne. Cette
société où se réunissent géographes, historiens locaux, botanistes, joue un
rôle important dans la vie scientifique locale. On y trouve une bibliothèque
spécialisée très importante et des échanges avec la plupart des sociétés
savantes, officielles ou privées, de France, d'Europe et même des U. S. A.
Et s'il participe parfois à un
quatuor de musique de chambre c'est pour s'y retrouver avec des peintres passion-nés de musique,
Mainssieux en particulier. Car la peinture reste sa passion
première.
Dès que ses activités
professionnelles lui en laissent le loisir, il part, seul, accompagné de son
épouse ou d'amis parmi lesquels Simone Mercadier, André Hébuterne ou
Mainssieux, « peindre sur le motif ». La peinture, à l'huile ou à l'aquarelle
et surtout la gouache où il excelle, lui est une griserie. Il peint pour son
plaisir et non pour en faire un revenu. Il vend ses oeuvres « autour de lui »,
directement à ses nombreuses relations, dès qu'elles « sèchent » dans son
magasin de meubles.
Les tendres camaïeux de verdure
de l'Ile-de-France ont fait place sous le soleil de l'Algérie à des couleurs
vigoureuses. Fidèle à ses goûts, à sa manière de peindre, sincère, « construite
» comme son admiration pour Paul Cézanne, il produit quelques oeuvres
remarquables.
S'il continue à participer à des
expositions, c'est dans le cadre de manifestations collectives, et toujours
avec le souci d'aider ses amis artistes.
Malheureusement une très grave
maladie qui torturera son épouse pendant une quinzaine d'années, réduit ses
activités extérieures.
Et puis les « événements » qui ont secoué l'Oranie à partir de 1956 l'ont beaucoup frappé. lui qui avait adopté l'Algérie pour sa nouvelle patrie. Les deux dernières années précédant l'indépendance ont été pour lui particulièrement dramatiques. Son magasin de décoration dans un immeuble de la Cité des Jardins, rempli de tissus et de meubles de grande qualité a été pillé et saccagé. Dans les derniers moments de juillet 1962 où toutes les villas autour de la sienne étaient occupées par des squatters, il a dû fuir, avec son épouse malade, n'emportant avec lui que le contenu de deux valises pour rejoindre ses filles à Marseille.
Replié à Marseille en 1962 puis à
Nice chez un négociant en meubles, il réussit enfin, dans des conditions très
douloureuses, à retrouver une vie professionnelle. Après le décès de son
épouse, suivi d'une redoutable
épreuve de santé dont il s'est relevé, la passion de peindre est revenue.
Bientôt reconnu pour son talent
et sa bonté, on lui confie la tâche d'organiser des expositions à Aix en
Provence dans le cadre du cercle Cézanne.
Bien des sites provençaux lui ont
servi de modèles pendant ces années de renaissance ainsi que des contrées qu'il
a visitées, en Bourgogne, dans les départements du Midi et à l'étranger. La
présence à ses côtés d'une nouvelle compagne lui assure une sérénité qui se
ressent dans sa production. Il éprouve le besoin de bouger, de visiter les pays
qu'il a toujours désiré voir, ce que les obligations immédiates avaient jusque
là contrarié.
C'est au cours d'un voyage en
auto vers Venise ... tant souhaité ... que la mort l'a surpris brutalement à
l'escale de Crémone (Italie) le 17 septembre 1978.
Modeste et généreux à l'excès il
n'a jamais recherché la gloire. Toutefois les musées d'Oran et d'Alger ont
recueilli quelques oeuvres de lui, tandis que la plus grande partie de sa
collection restait directement dans les collections des amateurs.