Souvenir de la Téjéra ... 

 Aujourd'hui je retourne à la Téjéra ...

Comme je l'ai déjà dit c'est pour moi le coin le plus beau du monde, celui de mes meilleurs souvenirs d'enfance. Venez avec moi, je vous invite ... Bien sur dans ce voyage nous retrouverons "des choses" que Dolores RUIZ a si bien racontées, et qui m'ont tellement émue ... Si  l'époque n'est pas tout à fait la même, je partage avec elle la douceur du décor et de l'ambiance.

Le trajet :

On le faisait à pied bien sur, ou "a patiqua" pour changer  (vous imaginez un moyen de transport  pour une famille de neuf enfants...) on allait, le cœur léger malgré le poids des provisions gigantesques réparties dans divers couffins  ou paniers.  Y avait bien des bourricots pour porter les affaires, mais pour en loger un au 4ème ON AURAIT EU DU MAL !!!!!Donc chacun portait ce qu'il pouvait.
Il m'arrivait de porter en bandoulière une des musettes Kaki que mes frères aînés avaient rapportées de leur service militaire ,bien pratiques avec ce grand rabat qui permettait de courir sans risque de perdre le contenu.
  Bien pratique aussi de la porter "sur le ventre" pour pouvoir prendre un des jumeaux "à bourriguette" sur quelques dizaines ou centaines de mètres. Plus jeunes que moi de presque 5 ans ils avaient le privilège de se faire porter une partie du chemin.

Première étape à la sortie des HLM, la baraque à pastèque (je pense à Marie Gil) !!! … A la queue leu leu sur le bord de la route on chantait à tue-tête : "un kilomètre à pied ça use ça use, un kilomètre à pied... ça use les souliers" ou d'autres airs du folkore: " cadet Roussel, Trois jeunes Tambours, Il était un petit navire, sur le pont d'Avignon ou sur le pont de Nantes, à la claire fontaine, gentil coquelicot....." etc  etc.

Cliquez sur la photo pour l'agrandir ... La route paraissait moins longue et on arrivait au croisement de la route de Canastel avec quelques longueurs d'avance sur les grands. Il y avait là quelques pins parasols géants  et leur ombre bienfaisante idéale pour une pause !
Et les chicharras (cigales) nous offraient quelques minutes de concert … Passée la route de Canastel
  (avec mille précautions)  un simple sentier  nous menait jusqu'au bord de la falaise. Et là... Spectacle grandiose  du ciel et de la mer !!!!!!
On respirait à pleins poumons cette odeur salée si familière. En un clin d'oeil
  en fonction de l'état de la mer on savait si les activités  du lendemain seraient "mer ou falaises".

Alors commençait la descente  de la falaise par un vrai chemin de chèvres d'autant plus  délicat que nous étions chargés. c'étaitCliquez sur la photo pour l'agrandir ... dangereux sans doute mais nous étions aguerris et si un caillou malveillant roulait sous nos pieds, "on se tapait un coulasso" (on se retrouvait le cul par terre) sous les moqueries pas méchantes mais exaspérantes du genre " la prochaine fois tu feras plus attention".On n'avait pas le droit de gémir pour si peu... et c'est vrai que malgré les innombrables descentes effectuées de  1954 à 1962 nous n'avons jamais eu à déplorer de blessures plus graves qu'un genou  écorché ou quelques bleus sur les fesses… Arrivés au pied de la falaise le plus dur était fait. Le chemin devenant plus facile, mes souvenirs sont moins nets sur la fin du parcours. On passait devant "les genêts" on s'arrêtait un peu à "la source". .......Si,  quand même  je me souviens que pour franchir la dune, quand il ne faisait pas trop chaud on enlevait nos tennis pour ne pas trainer des kilos de sable. Enfin dernière descente délicate  l'escalier de bois et sa rembarde  branlante. TERMINUS .. ON ETAIT AU CABANON.

Le cabanon :

Cliquez sur la photo pour l'agrandir ... La Téjéra c' était un ensemble de cabanons  répartis sur plusieurs paliers qui descendaient jusqu'à la mer . Le nôtre  se situait tout en haut  de cet ensemble.
Au début ce cabanon n'était qu'une modeste cabane en bois composée de deux pièces : une petite qui s'appelait pompeusement "la chambre des parents" et une grande qui servait à la fois de cuisine de réfectoire et de dortoir pour le reste de la famille. Il n'y avait alors ni eau ni électricité. On n'y rentrait pratiquement que pour
  dormir. Dehors on avait tout l'espace voulu.

Bien vite mon père décida de l'agrandir "en dur". Le premier souci : l'eau indispensable au chantier.  l'eau de pluie fut recueillie dans des barils grâce à des gouttières de fortune ...  Comme par miracle au printemps suivant on découvrît une  "immense"citerne (12 m3) encastrée dans la colline. Je ne sais pas combien de temps dura la construction du cabanon (Il faudra que j'interroge mes frères aînés. Ils y ont mis tellement d'énergie !!!!).

Un souvenir très précis : le jour ou on à coulé la dalle : Au petit matin tous les hommes disponibles ,"une catelfla y z'étaient ", préparaient une énorme gâchée de béton. Quel enthousiasme ! Quelle joie de travailler ensemble . Aucun ne ménageait ses forces.
Une bétonnière à l'époque ?? I.N.I.M.A.G.I.N.A.B.L.E.
  Mes oreilles se souviennent encore des "tchiff, tchiff  tchiff...." produits parCliquez sur la photo pour l'agrandir ... le raclement des pelles comme pour marquer la cadence. De temps en temps l'un ou l'autre disait une tontéria, una broma, (plaisanterie) les autres en profitaient pour souffler un peu, appuyés sur le manche de leur pelle pour mieux rigoler.

Les femmes avaient préparé "el almuerzo" (le casse-croûte) copieux mais rapide, avalé debout, à la pointe du couteau et accompagné de "traguicos al porron ". (au secours Manou) Pendant cette pause nous les gosses étions chargés d'arroser le béton,armés de "cacharros" les plus petits arrosaient au bord, les plus grands essayaient d'atteindre le milieu … Modeste tâche....mais quelle fierté d'avoir participé. La suite je sais pas !! : on n'avait plus besoin de nous. Direction la plage, pour laisser les hommes " travailler tranquilles".

L'occasion pour nous d'un de ces pique-nique au bord de l'eau que je vous raconterai plus tard. Je me souviens aussi d'avoir "participé " à la peinture des volets de la véranda.

Au fil des saisons , le Cabanon de mon enfance s'est embelli avec sa treille  sur l'arrière coté colline, Ah le goût de ce raisin..... ce blanc si sucré, et ce muscat.....j'ai les yeux qui piquent... Sur le devant, côté véranda le jardin de ma mère se composait d'une bordure de marguerites blanches et de quelques arômes, elle gardait une petite place pour les radis et le persil. Quelle merveille de simplicité !!!!!,  Sous  une fenêtre poussaient aussi "des petits pins d'amour"  au feuillage tout doux.

Le dimanche  en fin d'après midi l'heure du retour approchait. Les paniers vides et les mains libres, on remontait des bouquets de marguerites du jardin . Au passage dans les dunes on cueillait des branches de genêts pour faire plus joli.  Les kilomètres, la fatigue du plein air et le parfum généreux du genêts aidant, le retour se faisait en silence … on arrivait aux HLM en titubant commes des "borrachos" ...

Le lundi matin , j'arrivais à l'école avant les autres pour laisser le temps à la maîtresse  (surtout Madame COSTA ) d'arranger " le bouquet du cabanon " et de me faire en cachette des autres un bisou sur le front....  

 Fin de l'épisode N° 1

 

Aline PEREZ du B8

 

RETOUR