Souvenir de la Téjéra ... 

Les Dimanches « coté falaise »

Au printemps, quand il faisait encore trop froid pour se baigner, on passait nos dimanches sur la falaise. De multiples activités s’offraient à nous, toujours liées à la couleur du ciel. Pas de bulletin météo pour nous saper le moral ou nous « enduire avec de l’erreur ». Pas vrai Mme ABECASSIS ?

On prenait le temps comme il venait. Faut dire  quand-même qu’on était gâtés … S’il avait plu dans la semaine, on se frottait les mains : c’était bon pour les asperges, ça c’ était de la joie !!! une vraie chasse au trésor ! Je reconnaissais les touffes « d’asparagos » à leur couleur vert foncé et à leur forme extravagante et désordonnée.  D’abord on regardait sans toucher, puis délicatement pour ne pas se piquer, mais surtout pour ne pas les casser on cueillait une deux ou trois asperges  qui crevaient les yeux… de grosses qu’elles étaient. Ensuite  on fouillait, toujours délicatement au pied de la touffe, pour trouver les jeunes pousses qu’il fallait cueillir   « le plus long possible ».

Quelques fois, on entendait un cri perçant : J’en vois une bbèèèlle. !! ça voulait dire qu’elle était inaccessible et aussitôt, un grand arrivait à la rescousse, et au lieu d’une, il (ou elle) en trouvait cinq six ou plus, absolument superbes… immédiatement rangées avec précaution  dans la musette (sourires complices) … De toutes façon, l’air de rien, les adultes passaient toujours derrière nous pour de rien laisser perdre car il n’y a rien de plus éphémère que la fraîcheur d’une asperge  sauvage. Ce qui n’était pas ramassé au bon moment devenait rapidement immangeable.

Nous n’étions pas les seuls à pratiquer cet exercice , certaines fois il y avait foule  autour de nous et  on comparait souvent  le poids  de nos trésors respectifs dans la  bonne humeur.

Il n’était pas rare que de retour au cabanon, après avoir triées les asperges, pour la vinaigrette, ou pour l’omelette, ma mère nous envoie chez notre voisine Madame LOPEZ avec une petite botte  en nous recommandant : « Dis lui que Çà me fait plaisir »… La nature était généreuse !!!  On se servait abondamment, mais nous n’avons jamais pillé notre falaise.

Quant la musique de la pluie sur les tôles du toit nous réveillait, au petit matin, on pensait immédiatement  « Y hoy carracoles ». A peine avalé le petit déjeuner, on se préparait rapidement, les grands étant sans pitié pour les retardataires. «  Faire  des escargots » autour du cabanon c’était vraiment pas drôle . A peine trois ou quatre plantes grasses, et quelques  pieds de marguerites à explorer… Aussi, on avait eu vite fait de prendre un seau, ( Que dis-je un seau : une boite de conserves de trois ou cinq Kilos avec un fil de fer en guise d’anse, et qui servait à de multiples usages.) d’ enfiler un capuchon (en forme de demie-lune avec deux fentes devant pour passer les mains et qui sentait un peu le caoutchouc) , On était prêt, il ne nous restait plus qu’ à  suivre….

On se dépêchait pour arriver les premiers « aux bons endroits » pour « attraper  les carapatéros » avant  que la pluie ne cesse, car on les repérait beaucoup plus facilement. On ne les cherchait même pas… y ‘en avait partout.
On ouvrait notre imperméable sauf le bouton du col, on rejetait les pans sur les épaules pour être plus libres de nos mouvements et on s’en donnait à cœur joie !

Parfois « on prenait un chaparron » (une averse) Quelle rigolade de se voir trempés et dégoulinants… En plus il fallait rester vigilant parce les escargots eux ça les dérangeait pas de continuer leur promenade. Du bord de la main on renvoyait au fond de la boite tous ceux qui tentaient de s’échapper.

Mais le soleil ne restait pas fâché très longtemps. On sentait d’abord une caresse tiède sur le dos et très vite mille senteurs venaient nous chatouiller les narines : la nature avait fait sa toilette et nous offrait son inoubliable parfum.

On grimpait un peu plus haut pour chercher « les escargots blancs » Les préférés de ma mère. Ils s’étaient déjà réfugiés sur l’envers des feuilles de palmiers. Il suffisait souvent de les retourner pour se servir.
Quand on avait nettoyé un palmier, on
  se régalait avec les margaillons, bien tendres , autrement plus goûteux que ceux d’aujourd’hui importés du Brésil…..de même que les « catchoffas » petits cœurs d’artichaut,  qui dessinaient de jolies étoiles entre les cailloux.. Précieux souvenirs tous ces goûts de mon enfance. !!!.
Les margaillons
  tiennent une place très importante dans ma boîte à souvenirs… Ils servaient à faire nos matelas…La matière première étant abondante et gratuite, on en faisait tous les printemps pour remplacer les plus usés des saisons précédentes. Chaque lit comportait deux matelas superposés . Façon pratique de doubler la capacité de couchage pour les réunions « grande famille » de l’été. Pour le 14 juillet ou le 15 août le cabanon accueillait facilement une trentaine de personnes…. Une tribu…. Donc on faisait nos matelas…Avec du temps, et du savoir faire.., l’apprentissage ce faisait sur le tas….(c’est le cas de le dire) . D’ abord il nous fallait des feuilles de palmier, beaucoup de feuilles de palmier.  On les ramenait de nos expéditions « asperges ou escargots » ou on allait les chercher exprès.

Etalées au soleil elles perdaient leur humidité. Essentiel pour éviter la moisissure !.on détachait une à une toutes les lamelles de l’éventail, ensuite  dans la main gauche on plissait les brins en accordéon  et avec le brin le plus long qu’on avait mis de coté, on ficelait le tout, un bout du lien entre les dents on faisait rapidement un double nœud avec la main droite et on serrait fort… mais pas trop fort sinon  « le moñico  » nous explosait sous le nez… Rigolade !!!!

Tous ces moñicos séchaient au soleil,  régulièrement retournés, ils perdaient leur beau vert devenaient un peu beige… Quand ils prenaient une belle couleur … de miel foncé, ( quelques semaines au printemps, trois ou quatre jours en été) ma mère préparait la housse (souvent de la toile de jute), et le remplissage du matelas commençait. Au dessus du sac , on faisait glisser le lien ,libérant de grandes mèches tout ébouriffées. Très vite le sac paraissait plein : fermé par un gros nœud, il était subitement abandonné là …., on se l’appropriait pour une longue récréation-trempoline. Quand  on s’arrêtait, épuisés, le sac était moitié moins gros, c’était le but recherché … La fin du garnissage  plus délicate se  faisait  sans nous.

Quand il étaient tout neufs une petite pointe traversait parfois le drap Et nous piquait la joue ou l’épaule. Pour les remettre en forme le matin, deux fentes de vingt cm environ  sur le dessus du matelas nous permettaient d’y glisser les avant bras et de touiller un peu pour redonner du gonflant.

Qu’est-ce qu’on dormait bien sur ces matelas d’herbes sèches où on faisait son trou comme dans un nid douillet, et qui craquait doucement quand on se tournait. !…………..

J’ai aussi des souvenirs de quand j’étais plus grande, mais ceux-là je vous les raconterai pas Na ...

Fin du 2eme épisode.

Aline PEREZ du B8

 

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